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20 avril 2023 4 20 /04 /avril /2023 12:13

Les vieux amis sont comme de vieux meubles auxquels on tient, parcourus de ridules dans leur chair, de petits trous dans leur peau qui a vécu. Ils ont une âme proche de la vôtre, une âme qui amuse ou qui console selon les événements.

Ils sont fidèles. Ils se connaissent par cœur. Leurs secrets se lisent en un regard, s’échappent dans un silence, dans une phrase qui s’arrête en plein milieu ou se termine par un soupir, discrètement, sans trop en dire.

Ils sont complices depuis les aurores, on ne sait même plus quand leur amitié a commencé. Ils ont en commun de lointains souvenirs, connaissent des blagues qui ne font rire qu’eux. Ils portent le même parfum d’enfance, s’étonnent de leurs ressemblances, s’extasient devant les mêmes paysages, fusionnent ensemble devant un coucher de soleil (ou devant une bonne bouteille).

Entre les vieux amis, pas de jalousie : chacun occupe sa place sans se poser de questions, naturellement. Ils se font confiance et se pardonnent mutuellement leurs imperfections. Ils ont une oreille attentive, mais pas trop. Ils se surprennent encore par un mot, une attitude, une réaction imprévue qui nourrit leurs différences.

Les vieux amis se parlent malgré la distance, s’appellent quand une pensée pour l’autre les saisit. Les vieux amis se tiennent par l’épaule, se disent « ça va aller ! » lorsque le chagrin arrive en trombe ou fait surface au détour d’un chemin.

Les vieux amis gloussent en silence, l’expression « rire sous cape » leur convient parfaitement, car ils ont cette entente tacite pour la rigolade qui ne concerne qu’eux. Souvent, les autres les regardent, amusés, enclins à protéger leur amitié.

Les vieux amis ont souvent la même odeur d’escapade, celle des prairies, celle de la rue ou des forêts qui abritèrent leur jeunesse ou les 400 coups de leur adolescence. Dès qu’ils se retrouvent, ils s’imprègnent à nouveau l’un de l’autre, formant aux yeux des proches un monde à part. On leur pardonne souvent leurs bêtises, leurs blagues ou leurs fanfaronnades et même leurs disgrâces, avec l’excuse toute trouvée que : « oui, mais ce sont de vieux amis ! »

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26 février 2023 7 26 /02 /février /2023 09:19

Le doux mirage d’un été.

Il était assis sur ce mur de pierres, seul, au milieu de ce chemin de sable, sorti on ne sait d’où. La voiture eut un hoquet. Voulant éviter cette apparition , Alexandra braqua un peu fort, fit déraper l’engin, trop tôt ou trop tard, les pneus s’enlisèrent à deux mètres de l’homme qui ne broncha pas. Sa chevelure irisée dépassait d’un turban pâle, son ombre cachant la colline derrière, on ne voyait que ce corps sombre, immobile, vision déposée au milieu de ce nulle part.

La jeune femme s’approchant le héla : « à l’aide, à l’aide ! » il ne bougeait toujours pas, tel un fantôme né des brumes du matin. Plus elle avançait vers cet être humain, plus il s’éloignait, inaccessible. Elle marchait, prudemment, entre les cailloux - infestés de scorpions pensait-elle -, trop lentement, à son goût. Elle but quelques gorgées à l’outre d’eau fixée à son dos, réfléchissant que, dans ce désert, une étourderie pouvait être fatale, longea la muret pour en évaluer la longueur. Le turban s’animait au-dessus des cheveux, on commençait à entendre un murmure, comme une psalmodie sortie de ses lèvres . Alexandra se remémora l’épisode de Saint Paul dans le désert, celui ou un feu incandescent prenait dans un buisson d’où sortait la voix d’un dieu. Prête à se jeter face contre terre, elle se ressaisit : c’est le soleil qui flamboyait en se levant au-dessus des roches !

Dans ce rayonnement subtil, elle avança encore, attirée par la bouche de l’homme en extase  qui semblait prier, halluciné, un trou béant mangeant son visage comme la gueule d’une hydre cachant dans son ouverture des milliers de cellules suceuses.

Tétanisée, la jeune femme se sentit happée dans cette sorte d’entonnoir, soulevée de terre, en lévitation, la tête, puis le corps tombant, engloutis par de mornes vagues, ses souliers rouges restant en arrière, prenant la forme d’un bec crochu…

Au dernier moment, on poussa des cris, des phares illuminèrent la peau translucide du monstre, des coups de fusil furent tirés qui abattirent la bête. La police du désert !

Vomissant sur le sol avec sa glu, le corps de la jeune femme dépouillé de sa  couche de vêtement excepté les talons rouges, la masse informe poussa un râle, abreuvant de ses restes mouillés la terre assoiffée. 

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