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29 mai 2020 5 29 /05 /mai /2020 16:55

Vie de chat.

7 h du matin. C’est ELLE qui me réveille. Encore ensommeillé, je m’étire et la réprimande : je t’en donnerai, moi, des pichenettes et des miaous réprobateurs, est-ce une heure pour renaître de ses cendres ? Elle insiste, ma parle comme à un adolescent : « ah, tu as fait la java toute la nuit, mon doux, mon prince, alors maintenant, on assume ! » Je me console illico dans ma gamelle posée à côté de l’évier où elle fait sa toilette. Zut, coincées dans le dévidoir les croquettes ! Je lui demande d’un coup de patte sur son bras de secouer la boîte. Puis j’attends près de la porte qu’elle sorte de la salle de bain, et la précède jusqu’à l’entrée, où le chien balaie déjà l’air avec sa queue pour sortir.

 

7 h 30. Je suis dehors, assis sur l’appui de fenêtre et observe les oiseaux... Encore un peu tôt pour aller m’amuser derrière eux. En plus, il bruine ! Allons, un petit numéro de charme à travers le carreau de la cuisine où elle prépare le café, pour qu’elle m’ouvre. Je couine à qui mieux mieux. Oui ! J’entends dans le couloir le bruit de ses pantoufles, elle arrive ! Je traverse en coup de vent le pont de ses jambes et cours à la gamelle d’eau, vite, avant le chien ! Je bois longuement, je m’y installe... Elle a dit que je suis son prince, alors, le chien, il attendra. Et puis, la nuit et ses agitations nocturnes m’ont donné une de ces soifs !

 

9 h. Son premier rendez-vous avec un étranger que j’ignore superbement. Je m’échappe au moment où elle l’accueille, ce visiteur ne mérite pas que je m’y attarde, trop occupé dans ses pensées. Il ne voit rien, ne sent rien, pas même ces délicieux effluves distillés par le soleil séchant la rosée. Pâquerette ou herbe à chat, peu importe, seules mes dents pointues s’y collent et déchiquettent avec délices les feuilles tendres. Elle clôt son bureau à double tour. L’échange de ses secrets professionnels ne me concerne pas... La matinée se passe en explorations diverses jusqu’au moment où je reviendrai m’allonger, pattes en avant, pour ma première sieste, de préférence dans une chambre à coussins, peut-être sur son lit, si elle n’y fait pas attention... Si elle m’ouvre.

 

Midi. Je redescends sur mes pattes de velours, mais le bois des marches d’escalier résonne, ce traître. C’est l’heure où ELLE et LUI s’arrêtent pour prendre ensemble leur repas. Le chien est là, à distance respectable, en bas des marches qui les séparent du salon. C’est sa place, là, couché ! Le chien comprend le langage des hommes, moi pas ! Et c’est bien ainsi ! Car comme ça, c’est moi qui commande ! Dans la cuisine, je m’étire indolent en baillant au pied du meuble sous-évier, clignant des yeux attentifs et mi-clos,  je surveille si quelque miette tombe de la table. Si elle me regarde, alors, je me redresse et marche droit sur ma maitresse en lui frôlant au passage les mollets de ma queue droite. Elle aime ça, la garce, et lui aussi, je crois, mais leurs secrets d’alcôves ne m’intéressent pas,  et  je me replie, l’air de rien, sur la hauteur du strapontin d’où je peux mieux surveiller la table et ses garnitures. Surtout ne pas leur démontrer mes intentions gourmandes, c’est moi le maître, ici, et je sais m’y tenir.

 

12 h 30. Mes intendants ont débarrassé leur déjeuner et mis la vaisselle dans la machine qui ronronne, pour montrer qui est le plus fort. Peu me chaut ! Sont-ils allés prendre la sieste ? Ce serait le moment de partir en chasse… J’assourdis de la patte le bruit d’une cuiller que j’ai bousculée avec le museau en léchant la sauce au beurre collée dans leur écuelle, oubliée malencontreusement dans leur évier… Mon hôtesse m’a entendu, car sa voix de soprane lance un « Schpountz ! » sonore et antipathique qui me vrille les tympans.  Je descends d’un bond les deux pièces qui me rapprochent de mon divan de velours, l’air non coupable de l’animal qu’on accuse à tort.  Je lui rappelle d’une œillade bien envoyée que, vu le bazar dans cette cuisine, heureusement que je suis là pour nettoyer derrière eux !

 

13 h. Quitter le bas du barbecue où il fait plus frais pour me placer en terrasse, à proximité du chien, méthode-séduction pour qu’il m’attaque pas, mais l’emmerder quand même.

 

13 h 30. Grimper sur le tas de compost où il fait plus chaud, à la recherche d’une proie. S’en désintéresser aussitôt, c’est pas l’heure, et venir frôler du dos le transat de celle qui fait la sieste au soleil. Retourner s’allonger sous le dit-transat, tête et pattes dans le prolongement l’une des autres,  méthode - « vous pauvres humains tout droits, demandez-vous comment j’y arrive ! »

 

14 h. Réveil placide. Chasser une bête rampante qui se chauffe au soleil... Peu amusant ! Elle ne court pas et se tortille bêtement sous mon emprise. Je reste avec sa queue dans ma gueule, elle s’est détachée du reste du corps. Mon valet qui bêchait le jardin s’approche et déclare : « Oh, un orvet ! » Je croyais l’intéresser, mais il me laisse là avec ce tortillon dont l’autre moitié s’enfuit dans les herbes. Je leur tourne le dos à tous, très déçu !

 

18 h. Pendant qu’ils mangent quelques fraises à la crème fraiche,je m’enivre les narines de cette odeur alléchante. Je grimpe sur les genoux de Mamourette,mais impitoyable, elle me repousse de la main. Lui repasser ma botte secrète à moi, quelques coups de queue bien placés, histoire qu’elle s’attendrisse sur ma fourrure. Ça marche ! Je la vois remplir sa cuiller de crème, la déposer délicatement par terre, tout près de moi. Ensuite, elle me présente son bol vide. Slurp ! Je m’empresse de le lécher de ma langue rêche, j’adore ce bruit !

 

20 h. Après ma dernière scène devant la télévision, câlins d’amour et tutti quanti, petite toilette minutieuse, préparer la sortie en boite ! Des miaous tonitruants devant la porte : vont-ils céder ? Le mâle dominé prévient : « si on le lâche maintenant, il va passer la nuit dehors ! » Elle acquiesce : « la nuit dernières, il nous a cassé les bonbons ! » Je ne sais pas ce que cela veut dire en langage humain, en tous cas, ils m’ouvrent. Yes ! Les étoiles brillent, la nuit tous les chats sont gris sauf moi, j’ai mis mon beau pyjama rayé ; à moi les filles, allons danser sous la lune !

 

21 h et des fafiotes. Dans le quartier, il y a un gros matou, un géant, une terreur, un roi de la jungle… mes maîtres ne m’avaient pas prévenu… J’ai passé toute la nuit dans le cerisier à gueuler qu’on vienne me chercher… à plus de minuit, c’est LUI qui est venu me cueillir avec l’échelle. Avec cette phrase, quel culot, ai-je bien compris  : « alors, mon petit schpountz, on fait des galipettes ? »

 

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21 novembre 2019 4 21 /11 /novembre /2019 12:26

Élisa Lotte en avait marre de sa vie étriquée de bonne sœur ! Dans le couvent des Carmélites de Saint-Sulpice, elle quitta son habit – une seule froque, vœu d’humilité oblige -, son nom d’emprunt, et ses sandales de pauvresse qu’elle déposa sur le lit de sa cellule. La porte silencieuse se referma derrière elle…

 

On placarda sur les murs de la ville et jusque dans le port de plaisance un avis de disparition inquiétante. La mère supérieure, sœur Marie-France Delafayette, s’en chargea elle-même, pendant que les religieuses prièrent pour le retour en leurs seins de la nonne.

 

Trois mois plus tard, on fêtait le carnaval de Nice : les sœurs avaient pris congé pour retourner en famille, certaines étaient parties en mission dans de lointains pays. De sa fenêtre, esseulée, la doyenne observait le va-et-vient dans la rue : les chars partaient rejoindre la ville basse, entourés des musiciens s’essayant aux instruments, accompagnés de danseurs et danseuses en costumes affriolants répétant leurs pas.

 

D’un groupe de femmes s’échappaient des tintements de grelots au rythme de musiques mexicaines, auxquels répondaient en écho les tam-tam des tambours. Des danseuses déguisées en diable, encapuchonnées de hauts de formes volumineux agitaient des rubans de plumes dans le vent.

 

Soeur Marie-France Delafayette, intriguée, s’approcha de la fenêtre ; une forme particulière attirait son regard : se tournant vers le bâtiment qui surplombait la scène, l’une des travesties agitait frénétiquement de gros seins bariolés en souriant de toutes ses dents. Elle s’arrêta dans la direction du Carmel et lança son bras en signe de ralliement.

 

Interloquée par cet appel inconvenant, Sœur Marie-France Delafayette se pencha plus fort, crut reconnaître un visage, celui de la nonne disparue trop tôt, sa pupille, son élève, échappée discrètement. Un juron s’échappa de ses lèvres avec un « Oh ! » de stupéfaction.

 

— Élisa Lotte, que fais-tu ici, dans cette tenue ? s’écria la mère supérieure.

 

Pour toute réponse, la danseuse s’accrocha à la chaîne des femmes qui la précédaient, formant dans l’espace et le temps de longues chenilles frémissantes, talonnant le char comme des processionnaires.

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17 mars 2014 1 17 /03 /mars /2014 13:41

Je pourrais vous parler du FAIRE, de l’hyperactivité, de l’action, du travail. Non ! Je vais vous parler de moi. Du MOI. Faire, lorsque nous avons des émotions, nous permet de ne pas trop sentir, de ne pas trop s’impliquer dans ce qu’elles ont à nous dire. Exemple : je suis fâchée sur mon homme, Jeff, parce qu’il est parti travailler ce matin sans me donner les marques d’attention auxquelles je m’attendais. C’est logique : nos hommes ne sont-ils pas des sources inépuisables d’attentions d’habitude ? Faisons référence au prince charmant à qui nous avons dit OUI, quelques années plus tôt. Soit. Fâchée, je retourne toute la cuisine pour laver, nettoyer, mettre de l’ordre. Remarque : cela me permet peut-être aussi de mettre de l’ordre dans mes idées. Soit. Je me rends compte au bout d’un moment, moi qui ADOOORE faire le ménage, que ce stratagème ne fait qu’amplifier ma colère, puisque, ce que je lui reproche justement, à mon adoré, c’est de me déléguer plus qu’il ne faut les tâches domestiques. Et pour amplifier, je me souviens bien à propos d’une petite phrase que me disait ma mère, lorsque je ne rangeais pas mes affaires (oh, la vilaine !) Elle me disait, l’air hautain : « Je ne suis pas la boniche, ici ». Tout le monde a compris ce que cela veut dire, évidemment : une bonne, oui, mais « niche » dans le patois de mon enfance, cela veut dire : « sale, dégoûtant » ou quelque chose comme cela. Rien que d’y penser, je me revois dans mes relations précédentes, en train d’astiquer, torcher, nettoyer, et me taper tout mon samedi toute seule. Cela ne fait que de me fâcher davantage. Calmons - nous, respirons !

 

Être, c’est simplement être là, dans le moment présent, dans l’ici et maintenant, sans projections, ni dans le passé, ni dans le futur, sans projections mentales non plus, surtout pas sur Jeff. Lui qui m’a assez dit « je ne suis pas ta mère ! » Et moi, je suis la sienne, peut-être, pour qu’il s’en aille à 6 heures du matin sans me dire au revoir, en claquant la porte ? Ça y est, je sens que cela me reprend. Calmons-nous, les filles, cela ne sert à rien de s’exciter sur le mâle, vous le savez quand – même… Exemple de projection : mon homme est parti travailler sans me donner toute l’attention dont j’avais besoin ? C’est sûrement qu’il en a une autre ! Et voilà ! Belle projection sur l’autre d’un sentiment de liberté que j’aurais bien envie de vivre, ici et maintenant, moi, entre mes meubles Ikea et mes casseroles à récurer. Le rêve projeté en 4 D'un autre, qui me prendrait dans les bras, tendrement, pas comme l’autre con, samedi, qui me faisait du grain pour vendre ses livres, non, pas un autre comme cela, cela suffit ! UN autre sans barbe blanche, et sans cheveux qui portent sur le gris… Un autre qui me demanderait, le lundi matin, « comment te sens-tu ce matin, ma chérie. »  « As-tu bien dormi auprès de moi ? » et d’autres fadaises tellement banales qu’on ne se les dit plus depuis longtemps, et qu’on finit par les appeler fadaises, tellement elles nous manquent, finalement… Comme cela, elles ne nous manquent plus. Youpie ! Nous sommes vraiment des superwomen, nous n’avons besoin de personne et patati et patata.

 

Donc, je prends un temps pour moi, entre mes casseroles, pas celles que je traîne, car celles-là m’ont déjà coûté une thérapie, les yeux de la tête, je vous dis… Non, je prends MON temps pour réfléchir au présent : voir ce dont j’ai besoin en ce moment ; analyser la situation qui a fait que Jeff est passé à côté de moi, ce matin. Mes réflexions m’amènent subrepticement (j’adore ce mot) vers quelques pensées un peu désagréables… Vous comprenez, les filles, que c’est quand même plus facile de laver par terre que de réfléchir à sa part d’ombre, naturellement et honnêtement. Mes réflexions m’amènent, vous dis-je, à me dire que (peut-être ?) moi non plus, je n’ai pas fait très attention à Jeff depuis hier ! Je suis triste, dans le fond, d’être passée à côté de lui. Réflexion faite, comment puis-je agir au mieux, maintenant, AVEC mon émotion ? Je réfléchis encore, pourtant, je ne suis pas blonde, juste un peu grisâtre sous ma coloration. Et, surprise, je ressens au contraire, l’envie de donner, l’envie de ME donner. Paradoxal ? C’est sûrement l’effet du bouquin sur la communication que j’ai lu samedi, faute d’avoir vendu ou acheté des livres.

 

Je prends mon portable et lui envoie un petit message, pas trop simple à décoder : « je t’aime, passe une bonne journée ». Miracle ! Deux secondes plus tard, je reçois la réponse : « je t’aime aussi, à ce soir ! » Mmh, ça promet. Je m’assieds quelques minutes pour réfléchir. Que puis-je me donner de plus en CE MOMENT ? Je regarde par la fenêtre, des oiseaux volent entre les branches au jardin, j’entends les bruits du train dans la vallée, des autos qui fourmillent sur la route en contre-bas, la semaine commence en emmenant ses travailleurs aux quatre coins du coin. Je respire profondément. Le cœur tranquille et transparent : Mon essentiel est retrouvé. J’ai le cœur en paix. Je peux même me réjouir : j’en ai de la chance d’être ici, dans ma cuisine, à regarder à travers mes carreaux. Et bien maintenant, MOI aussi, je peux vaquer à mes occupations.

 

 À propos, Jeff, ce soir, qu’est-ce qu’on mange ?

 

 

 

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22 novembre 2010 1 22 /11 /novembre /2010 12:03

Ma vessie était pleine. J’aurais voulu poursuivre le doux rêve dans lequel j’étais plongée entre deux eaux : une partie de moi murmurant à l’être aimé des pensées romantiques, admirant dans ses bras les merveilleux paysages que le songe avait créés en cette fin de nuit molletonnée. L’autre part s’éveillait à l’impérieuse nécessité que la nature alloue au corps constitué d’organes biologiquement fonctionnels. Vers les cinq heures, ma vessie était pleine.

            Je saisis par-dessus la couette le bras du bien-aimé réel qui ronflait à mes côtés, membres étalés à la fraîcheur matinale – lui n’était manifestement pas sur les mêmes montagnes glacées que moi — et me collai à son corps, ledit bras et la couverture enroulés au plus près pour y puiser la chaleur essentielle à ma détente organique. Au creux de son giron, bien calée, comme le chien dans ses pattes au bas du lit, je ronronnai un pur instant. Le sommeil reprenait sa course lente. Où en étais-je ?

            La rivière à nos pieds tout au fond de la vallée nous coupant de l’étendue splendide qui s’étalait vers l’horizon lumineux de tâches ocres et oranges, serpentait en direction du lac, gonflée des eaux suintantes des forêts aux noirs ombrages, se découpant sur les rochers au bas des glaciers. Le lac !

            Je sentis mon ventre, tendu par la débâcle proche, s’alourdir jusqu’aux limites du bassin bordé des rives anguleuses des hanches. La masse aqueuse s’y accumulait depuis la veille. Qu’avais-je bu avant d’aller dormir, une simple tisane ? La verveine officinale avait assez apaisé ma conscience pour créer ces douces images, mais, sa dilution abondante dans le bol rituel de ma grand-mère, favorisait ce réveil matinal précoce, qui, l’âge et les grossesses aidant, me prenait les tripes aux petites heures.

            Je me tournai sur le côté, invitant mon bien-aimé à me suivre dans mon mouvement : une torsion ajustée au niveau du poignet – c’était un code – le bras entourant mon épaule se déplaça subrepticement sur mon sein, entrainant avec lui le reste de son anatomie. La position latérale avait pour avantage, non seulement de stopper net ses bourdonnements nasaux, mais aussi de soulager la tension des eaux retenues du lac. Je calai mes fesses devant son avant-train — le mot réel étant censuré pour les enfants dormant dans la chambre en face — et tapotai sous nos mentons les deux oreillers, qu’ils soient bien confortables.

            Je replongeai dans mes panoramas oniriques mais le charme était rompu. Je serrai sous moi mes deux jambes, en position du fœtus, la digue tiendrait bien encore quelques quarts d'heure. Le calme du paysage avait laissé son empreinte ; ma respiration, lentement élaborée pour visser la quiétude à mon corps, le sommeil reprenait le dessus quand j’entendis de loin le feulement de la porte de la chambre. Le crissement familier de la charnière glissant sur ses gonds faisait tache d’huile. Il aurait pourtant suffi de quelques gouttes dans la mécanique pour que je m’en sorte.

            Je frappai dans mon dos le drap, sous l’oreiller, cherchai désespérément l’absent : la couette relevée laissait à l’air frisquet, chaud et moelleux quelques moments auparavant, un espace vide.

— Où tu vas ? Murmurai-je à la porte occupée à se fermer.

Le déclic de la chevillette choyant en direction du chambranle me ranimant tout à fait. Mon bien-aimé de chair et d’os, répondit à travers l’huis - en chuchotant pour ne pas faire d’esclandre :

— Dors, ma chérie, je vais pisser !

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26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 17:49

« Et avec le problème qu’il a, pas la peine de penser à une carrière dans l’armée ou la police ». La sentence était tombée. L’orthopédiste spécialisé dans les troubles de la colonne vertébrale n’avait pas perçu le regard dépité du jeune homme et s’était contenté de signer son ordonnance : une semaine d’anti-inflammatoire matin et soir et prescription de séances de kiné pendant un mois. Le jeune homme avait mimé l’acquiescement,  quitté le cabinet de consultation le dos vouté, raison de la consultation, était rentré sans mots dire à la maison. Ce fut la déprime pendant quelques mois. Ensuite, il s’était engagé corps et âme dans « La médiévale », un club de …combats et représentations de scènes d’armes du moyen-âge.

« Ce jour là était fort moment de combat. La ville de Namburger était assiégée depuis plus de cinq semaines pour la raison fort contestée que les habitants refusaient de baiser le c…de ce tourne veste de monseigneur l’évêque. Les parlementaires avaient usé  leur gouaille dans d’interminables offices, qui, force est de le constater, n’avait rien donné.

«  Du côté des assiégeants, on avait décidé, ardeur au ventre chez ces hommes affamés de biens, de tenter le destin. Un peu brigands, les hommes de l’évêque étaient courageux pour ce qui est de voler et torturer la pauvre engeance. Ils viendraient bien à bout de quelques murs et enceintes qui protégeaient la ville. Car  les assiégés commençaient à mourir de faim et à petit feu.

« Godfrain - nom d’emprunt de notre valeureux jeune homme refusé à l’armée et à la police par l’orthopédiste omnipotent - s’était d’abord retrouvé dans l’armée de l’évêque. La simple et bonne raison en était que ces hommes là s’étaient présentés à lui les premiers. Les autres étaient déjà enfermés dans leur tour depuis le début des répétitions. Dans un hameau planté de bon matin aux abords extérieurs de la citadelle, Godfrain avait été happé par son ami Julius pour une papote entre pote. Il y avait alors déposé son bagage, un gambison fabriqué  par sa mère avec la vieille machine à coudre qui en avait rendu l’âme, une cotte de maille tricotée aux intercours au moyen de fil de fer, de patience et d’une vieille pince récupérée en brocante, et, joie de sa dernière trouvaille, ses bottes de cuir, des Santiague dont son père avait scié les talons pour faire plus moyenâgeux. Les hommes de l’évêque étaient passés peu après. De tentes en maisons de planches, ils vendaient leur marchandise, proposaient l’engagement  contre bourses, casques, ou armes clinquantes ou tout au moins cliquetantes. Naïvement, Godfrain avait même posé la question s’il pourrait garder ses armes après le spectacle. Naturellement ce fut non. Le recrutement s’était fait sans autres soucis. La jeunesse bravache n’avait qu’une envie : se mesurer à d’autres jeunes forces comme elle et qu’un seul mot d’ordre : estourbir. Enfilant ses effets, ainsi que des gants de porcelet par-dessous ses gantières, Godfrain se retrouva avec Julius à l’heure de midi sous les remparts.

« La première escouade viendrait au soleil couchant. Devant une foule immense de spectateurs venus pour la cause, animée par des baladins, danseurs et autres saltimbanques cherchant la fortune auprès des curieux, les hommes prirent place  sur l’esplanade de la citadelle. La journée entière avait vu le défilé d’escarmouches des archers maintenant la tension au dessus des remparts quand, en fin d’après midi, après les palabres des émissaires chargés de la négociation, les hommes de l’évêque donnèrent le signal de l’attaque. Godfrain attendait patiemment la fin des premiers assauts des archers puis des fantassins pour  s’avancer à son tour. En rangs serrés, les jeunes, moins expérimentés dans la bataille, portaient les échelles. Sous les boucliers de la soldatesque qui avançait avec lui, Godfrain marchait d’un pas lourd et sûr vers le fortin. Martellement des tambours, armes frappées en cadences les unes contre les autres accompagnaient son pas. Mais seul le souffle de sa respiration sous le heaume pointu protégeant son front lui arrivait à la conscience.

«  J’aurais dû prendre un casque à visière, se disait il en soufflant par-dessous son nez. Plus larges dans le cou, ceux-ci, en effet laissaient passer les sons plus aisément jusqu’aux oreilles. Godfrain dans la huée n’entendait rien.

« J’aurais dû m’entraîner plus longuement, se disait-il encore, ces madriers sont si lourds  et mon souffle est si court ! » Devant l’ennemi caché sous les remparts, il ressentait la peur. « Mes hésitations et mes atermoiements ne feront qu’une bouchée de moi si je ne tente rien  » Se disant cela, il visait, là-haut, derrière le mur, une épée menée avec force et courage qui avait déjà fait dévaler du haut de l’échelle et par-dessous la rambarde deux preux chevaliers plus âgés que lui. Qu’est ce que cela serait quand viendrait son tour ? Portant l’échelle contre le mur, grimpant les échelons au hasard de ses jambières qui lui emberlificotaient le train, il  enjamba la dernière planche. Godfrain se retrouva facilement de l’autre côté. Mais devant lui, l’épée renverseuse  de chevaliers venait de prendre un visage : Gontran, son frère de sein ! Ils se dévisagèrent pendant une seconde.

Il était d’usage autrefois dans les villages pour permettre aux mères de travailler aux champs, de donner leur enfant en nourrice, le temps d’un été ou même pendant plusieurs saisons. Les enfants élevés au même sein devenaient alors frères. Partageant les jeux, les rires, les engueulades ou d’autres pires évènements, cela devenait entre eux « à la vie, à la mort » Comment dés lors pourraient- ils se tuer ? Le sang, ou plutôt le lait parlait. Face à lui, Gontran  tout à coup apaisé feignit cependant  l’escouade ; il fallait donner le change à l’ennemi. Dans la confusion de la mêlée, un instant suspendu à son regard - on ne sait pas ce qui s’échange dans les yeux en ces moments là, Godfrain prit le choc en plein corps, se laissa choir sur le côté, pendant que Gontran rabattait l’échelle sur les assaillants montés au créneau. Echangeant au passage force coups de haches et rondins pour éloigner du mur les autres hommes de l’évêque, Gontran saisit Godfrain par son gambison. Heureusement qu’il tenait bon aux coutures. Il entraîna sa moitié à moitié sonnée vers l’escalier qui menait en bas du fort. Là, Godfrain se réveilla. Transfuge, il était devenu transfuge des hommes de pailles de l’évêque, et, ce faisant, passait aux côtés des Namburgeois.                                                                   Fin du premier épisode.

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11 avril 2008 5 11 /04 /avril /2008 15:16

Quand tu pars au petit matin,

vers ton train-train.

Le chien te suit jusqu’à la porte

Il ne va pas plus loin que la porte, mais,

sa queue balance en t’accompagnant.

 

Lorsque je me lève à mon tour,

le nuage de ton after-shave se disperse

m’amène et me guide vers la salle de bain.

L’eau fraîche m’accueille, éveille mes yeux lourds.

Je pense à toi qui m’as précédé.

Pas envie de me lever !

Envie de soupirer dans les draps chauds que tu as quittés,

trop tôt !

 

En ouvrant la porte sur le jardin,

Pipi du chien oblige,

je guette un peu de soleil.

Les nuages annoncent la couleur du jour,

des chants d’oiseaux s’étirent alentour.

Le voisin quitte aussi sa maison.

Je vais ouvrir aux poules la pente glissante du poulailler.

 « Ouie ! » mes articulations me font mal

Je me dis « aïe » j’ai mal, donc je vis !

 

Je déjeune, l’odeur du café me rappelle ma maison d’enfance.

La tartine, le beurre, je ne peux pas m’en passer.

Une fine couche de confiture me colle aux doigts.

L’été prochain, je ramasserai encore des framboises

et je tournerai dans la casserole de cuivre la cuiller en bois.

 

Les coups de fil arrivent, on a attendu tout le week-end

pour prendre rendez-vous, c’était donc urgent ?

Je savoure entre deux actions, le bruit de mes pantoufles.

Puis je mets mes talons hauts et je pars travailler.

Entre-deux à nouveau, je fais ma soupe de midi :

Potiron-carotte, le facteur apporte

la lettre tellement désirée ?

Des factures, des rappels, des bons

à dépenser. Je respire, je vis encore.

Il faudra que je téléphone au médecin.

Et la réponse de l’éditeur, pas pour aujourd’hui ?

Entre-deux, mon projet !

 

Entre-deux encore, je recouds l’ourlet de ton pantalon.

Je récupère quelques boutons sur un jeans devenu immettable.

J’adore jeter par terre

les bouts de fil comme les couturières !

Je repense à des souvenirs de famille.

Ma sœur m’apprend à coudre.

La machine ronronne et rafistole…

Quelques ratés, il est temps d’aller déposer la Singer

chez l’électromécanicien. Il en existe encore ?

 

Te téléphonerai-je aujourd’hui ?

Juste pour dire bonjour, ou te laisserai-je m’appeler ?

Peut-être, si tu ne le fais pas, te préparerai-je une scène,

une scène d’amoureux en ménage.

Plus tard, pour t’endormir, tu me prendras quand même la main.

Pendant que tes yeux doux me fixeront,

toi combattant jusqu’à l’endormissement.

Même tes ronflements me manquent, quand tu n’es pas là !

Alors, j’attends.

Et puis j’attends,

le retour de famille, les rendez vous d’enfants,

 

Entre-temps,

les miens sont rentrés, l’un par la porte de derrière,

pour sortir le chien, paresseusement - Pipi du soir espoir,

l’autre par l’entrée de devant,

Juste pour faire du boucan

 « On est là ! »

 

Viennent les baisers, les notes, les petites discussions les « quatre heures »

Nous avons hâte de nous retrouver.

Quelquefois, une chose plus sérieuse.

On traîne les pieds dans la cuisine, parce que les devoirs attendent.

Avec le chat entre les jambes, tiens, il est revenu celui-là ?

Je ne l’avais pas vu de la journée, voyou va !

On met la table, on rit,

on se dispute, on mange enfin.

La TV a pris sa place, elle trône au milieu du salon.

Cela me permet de râler, de vider ma bile.

J’aime bien râler, tu avais remarqué ?

Je cherche la petite bête, histoire de dire

« Je suis là aussi !»

 

Dans dix ans, je relirai mes notes,

Je me demanderai où ces moments sont passés !

Alors, je fermerai les yeux.

Je m’arrêterai un instant pour penser.

Et je vous reverrai tous autour de moi.

A ce moment là, croyez moi,

Je serai encore HEUREUSE !

 

 

 

 

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29 février 2008 5 29 /02 /février /2008 17:41
La crotte de nez venait de loin
Entre les poils de nez de Dédé
Son nez tout mouillé par le froid gelé
Elle avait glissé SUBREPTICEMENT !
 
D’un revers de manche, l’enfant
L’avait étalé sur sa joue
Pendant qu’il continuait de jouer
A bataille avec ses copains.
 
Mémée avait embrassé Dédé
Pour dire bonjour, sur les deux joues
Et avait ramassé au passage la crotte velue,
La crotte verte, la crotte saugrenue
 
La dégoûtante collait à présent
Sur un poil de son menton
Elle paraissait ENORME.
On aurait dit une grosse verrue
 
En faisant sa soupe, Mémée avait soupiré très fort
Par-dessus ses casseroles, ses taques de cuisson
Elle avait chaud,
Soufflant la crotte dans la purée
 
HEUREUSEMENT !
La crotte avait atterri
Sur un couvercle
Les lunettes embuées, Mémée n’avait rien vu.
 
Le chat lécha la vaisselle dans l’évier
Attrapa la crotte sur ses vibrisses toutes lisses
Et se lava consciencieusement
Avec les pattes de devant
 
Dédé prit le chat et, ce faisant, ramena la crotte sur son bras.
Devenue toute sèche
La crotte s’envola dans l’air
Elle prit son élan et continua son voyage 
 
            De la manche de Dédé à la main du copain…
            De la main du copain aux moustaches du chien…
            De la moustache du chien à la tututte de Mimie…
            De la tututte de Mimie à la taie de son lit…
            De la taie de son lit au plancher de la chambre…
            Du plancher de la chambre au tuyau de l’aspirateur…
 
 
Attention, dit maman,
J’aspire le plancher ! 
La crotte se retrouva dans le sac,
Avec d’autres détritus MICROSCOPIQUES
 
Il faisait chaud là-dedans, on étouffait, ça sentait le pourri
Au secours ! dit la crotte,
Plus tard, le sac fut jeté à la poubelle
Elle devint toute molle
 
Le sac à crotte se trompa de chemin,
Il atterrit dans la rivière
La rivière allait dans la mer,
Il faisait de plus en plus moite
 
Attirée par le sel, la crotte sentait l’appel
Du large avec les bateaux
Enfermée dans son sac poubelle,
Elle ne pouvait pas les rejoindre.
 
Elle avait besoin d’un petit coup de main.
 
Un marin vit le sac à crotte flotter
Tiens, se dit-il, un sac à crotte qui flotte
C’est rigolo !
Cela vaut mieux qu’un sac à flotte qui crotte
 
Il prit une canne et repêcha la crotte et son sac.
Il tria les crottes et le plastic
Le plastic qui ne fondait pas dans la mer
Pour le RECYCLER et jeta la crotte dans l’océan.
 
Et là, enfin, la crotte fondit de joie !
 
Le 22/02/2008
 
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